2003-08-27

French Standards Evangelism ;)

J'ai envoyé ce message le 23 août sur le site web de France 5 :

Bonjour, j'ai vu aujourd'hui pour la première fois l'émission de météo de France 5. J'ai trouvé la forme très intéressante. En revanche je regrette que le contenu soit écrit en capitales... non accentuées (mise à part certains accents circonflexes), ça rend la lecture difficile. Ainsi je pense que le confort de lecture pourrait être amélioré en utilisant des lettres accentuées (ÉÀÈ etc.). Cordialement, --

Émission de météo de France 5 dont le texte comporte des capitales accentuées

Ce matin, je regarde la télé et je constate avec plaisir qu'un effort a été fait :) Bon d'accord, tout n'est pas parfait : le générique ou certains titres (« APRES-MIDI » au lieu d'« APRÈS-MIDI ») ne sont pas accentués correctement, ou certaines erreurs apparaissent (« DÉS » au lieu de « DÈS »), mais le texte principal est beaucoup plus agréable à lire.

Il y a aussi le côté pédagogique qui me plaît un petit peu. Plus les gens verront des capitales accentuées, moins ils penseront à cette règle comme quelque chose d'étrange.

Sam avait déjà lancé le sujet des capitales accentuées en avril, mais en France, on doit se rendre à l'évidence : il y a encore énormément d'accents sur les capitales qui passent à la trappe. Pourquoi ? À cela je vois deux raisons : une raison éducative et une raison technique.

L'éducation

À l'école, en France, on nous enseigne à ne pas mettre d'accents sur les majuscules. Étant enfant j'ai appris cette règle et je la suivais avec soin.

Maintenant que je suis adulte, avec un minimum d'esprit critique, une volonté de chercher par la réflexion ou autour de moi ce qui me semble juste, je repense à cet enseignement erroné avec ennui. Pourquoi m'a-t-on enseigné la non-accentuation des majuscules ? Je n'ai pas encore trouvé de référence (sur la Toile ou en librairie) indiquant que cette règle de non-accentuation est en vigueur. À l'inverse, j'ai trouvé de nombreuses références indiquant que les capitales méritent autant des accents que leurs homologues minuscules.

Les deux points énoncés sont étroitement liés : une règle est souvent là pour répondre à un besoin précis, ici un besoin de compréhension.

Qu'est-ce qu'on attend pour enseigner cette règle aux enfants ? Il faudra passer par la formation des professeurs des écoles primaires. Ça devient fatigant de s'entendre dire : « mais non, il ne faut pas mettre d'accents sur les majuscules » ; et convaincre les gens du contraire constitue souvent une tâche ardue : « je l'ai appris à l'école ».

Cette habitude d'écrire correctement les capitales accentuées serait pourtant simple à adopter : la plupart des devoirs que l'on fait à l'école sont écrits à la main. Aucun problème technique. Ces derniers n'apparaissent que lorsqu'on souhaite écrire sur un système automatisé (très souvent, un ordinateur).

La technique

Ou encore, comment la France fait preuve de mauvaise volonté pour défendre la langue française dans les domaines techniques. Le résultat ? Des normes établies, pas adaptées à 100% aux besoins de la langue.

Un exemple ? La table de caractères par défaut utilisée sur l'Internet (nommée latin-1 ou iso-8859-1), permettant d'échanger des fichiers écrits dans les langues occidentales, est incomplète pour le français ! Non, la ligature « ¼ » n'est pas comme un « OE », et si vous voulez vous rendre à l'HA¾-LES-ROSES oubliez son orthographe d'origine. (Pour plus d'informations, lisez cette très bonne histoire du latin-1).

Et les capitales accentuées ? Le soucis vient du clavier français. Mais qu'est-ce que c'est que ce système mal adapté à notre langue ? Cela ammène beaucoup de gens à penser que les caractères n'apparaissant pas sur le clavier sont des caractères qui n'existent pas, ou qu'il vaut mieux éviter (je me retrouve parfois à terroriser des gens ainsi en créant des textes, des répertoires, des noms de fichiers etc. qui comportent ces fameux caractères tabous :D).

La paresse aidant, il est tout à fait tentant d'écrire en se limitant à ce qu'on voit sur le clavier. C'est malheureux, car cela consiste à oublier que la technologie a évolué, qu'il n'y a plus de raisons de saisir des textes comme on pouvait le faire dans les débuts de l'informatique, avec ces claviers ne disposant que de caractères de base (même pas de lettres minuscules accentuées...).

Le clavier français agit comme un filtre. D'une part il y a une façon d'écrire correctement le français, avec ses capitales accentuées, ses guillemets, etc. d'autre part il y a un ordinateur, avec du matériel et du logiciel tout à fait adapté à la langue française. Et au milieu... un clavier peu pratique.

Que se passe-t-il alors ? La contrainte devient la norme. Les utilisateurs oublient la façon correcte d'écrire le français, les concepteurs de logiciels oublient que certains caractères existent en français.

J'ai créé un pilote de clavier français amélioré permettant d'avoir accès facilement à ces caractères du français qu'on ne trouve pas sur un clavier classique. Certes, il répond à mes besoins, à ceux de certains de mes collègues, de mes amis, voire à vous qui venez sur mon site. Mais la nécessité d'une interface normalisée devient nécessaire. Comment faire évoluer cela ? Constituer un groupe de passionnés d'informatique et de langue française ? Écrire des propositions ? Mais à qui les proposer ?

On est malheureusement loin des initiatives exemplaires qui peuvent exister au Québec. Ainsi, le clavier québécois permet d'écrire le français sans avoir à mettre de côté les règles typographiques en vigueur.

Patience, pédagogie, discussions, actions... On y arrivera peut-être :)

NB : j'ai pris le parti dans cet article d'utiliser indifféremment les termes « majuscule » et « capitale », bien qu'il existe une subtile différence.